Pontmain, 17 janvier 1871, une apparition providentielle ancrée dans l’histoire

La revue L’ORIBUS (Histoire et société en Mayenne) vient de publier, sous ce titre, une étude de Michel FERRON. C’est une réédition de 1987, dont le numéro est depuis longtemps épuisé, mais qui a été réactualisée et enrichie de nouveaux documents par l’auteur. Ce nouveau numéro bénéficie aussi de la reproduction de superbes photographies notamment celles concernant les vitraux de la basilique de Pontmain.

Le numéro 109 de l’Oribus est en vente notamment au bar-tabac-presse « Le Central » à Bonchamp.

Pour Michel FERRON, «l’événement de Pontmain appartient évidemment à l’histoire religieuse de la Mayenne et donc au patrimoine du département». Cette recherche s’intègre dans le cadre d’une étude plus générale sur les débuts du diocèse de Laval, créé lui-même en 1855, dans les premières années du Second Empire, qui allaient être marquées par une alliance étroite entre le Trône et l’Autel. C’est pourquoi, se produisant en 1871 au moment où s’écroule le régime (défaite militaire contre la Prusse et révolution de la Commune), l’« apparition » ne pouvait échapper aux diverses exploitations idéologiques de la fin du siècle et au-delà.

L’apparition

Le 17 janvier 1871, en plein cœur d’un hiver rigoureux, après la défaite de l’armée de la Loire commandée par le général CHANZY, 7 enfants déclarent voir une belle «Dame», «revêtue d’une longue tunique bleue étoilée». Les adultes présents n’aperçoivent rien. Des inscriptions apparaissent aussi aux enfants : «MAIS PRIEZ MES ENFANTS ! DIEU VOUS EXAUCERA EN PEU DE TEMPS».

Michel FERRON ne se prononce pas sur le caractère surnaturel de l’évènement, ce n’est pas son objectif, mais il décortique attentivement les réactions de la hiérarchie catholique, et l’élan populaire que l’apparition a suscité et continue de susciter. 150 ans après, Pontmain et sa basilique (consacrée en 1900), accueillent annuellement 300 000 pèlerins (hors période COVID).

L’effervescence religieuse

Seuls les témoignages de 4 «voyants» sont retenus par les autorités religieuses (et l’une se rétracta ensuite), ce qui permet à l’auteur d’ analyser les évolutions au cours de deux jugements canoniques (1872, 1920). Michel FERRON précise aussi que l’instruction du premier jugement a été menée «en un temps record» (un an contre quatre ans pour les apparitions de Lourdes).

Le contexte est rappelé, et le rôle très politique du clergé bien mis en évidence. Ainsi à Avesnières, le 20 janvier, une cérémonie religieuse, devant 3 à 4 000 fidèles, implore la Vierge de protéger Laval des Prussiens..

Comme il le constate, «la conscience collective d’appartenance à une nation protégée par le Ciel, suscitant un regain de nationalisme et de patriotisme, prit souvent le pas sur les manifestations de piété». Les divers documents reproduits (les paroles du chant du pèlerin, les initiatives d’ aristocrates mayennais, les déclarations religieuses) sont très éclairants en ce sens. Mgr Wicart, le premier évêque de Laval, n’hésitait pas à parler de la France comme «cette grand prostituée du XIXe siècle»!!!

La «bataille» de Saint-Melaine

La statue de la « Vierge de Pontmain », élevée route du Mans à Laval près de Barbé, là où son apparition aurait repoussée les Prussiens… Sous ses pieds, est gravée l’expression déchiffrée par les « voyants » : « MAIS PRIEZ MES ENFANTS » « DIEU VOUS EXAUCERA EN PEU DE TEMPS »

Bernard SONNECK, un colonel en retraite, collaborateur de L’ORIBUS, revient lui sur la bataille du 18 janvier 1871 à Saint-Melaine. Loin d’être décisive, d’avoir permis de stopper les Prussiens et d’éviter l’occupation de Laval comme le prétend la légende locale communément admise, cette bataille est «une simple escarmouche» ! Un journal local l’explique clairement à l’époque : «Du côté des Prussiens, pas un canon ne répondait aux nôtres… Il s’agissait, non d’une attaque sérieuse, mais d’une reconnaissance plus ou moins forte qui avait été repoussée».

Les archives militaires allemandes montrent de leur côté que les troupes prussiennes «avaient reçu l’ordre de reculer le 18 janvier à hauteur de Vaiges». Après la défaite du Mans, le gouvernement français demande l’armistice le 20 janvier, et celui-ci est signé dès le 26 janvier. Mais rien n’y fait, et la légende reste tenace encore aujourd’hui…

Quelques soient les croyances religieuses du lecteur, l’étude de Michel FERRON est bienvenue. Il permet de mieux comprendre la place prise par cette «apparition» dans notre département, le clergé réussissant à concilier «ses préoccupations doctrinales et ses analyses politiques, en laissant libre cours aux exploitations partisanes des forces conservatrices». Un constat lucide.

Michel Ferron lors du colloque « Pontmain, 17 janvier 1871 : textes, contextes, interprétations » le mois dernier. Les captations vidéo et le résumé de toutes les interventions sont disponibles sur le site des Archives Départementales : https://chercher-archives.lamayenne.fr/article/les-interventions-du-colloque

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L’ORIBUS n°109, daté de décembre 2020, 68 pages, 10 €. En vente au «Central» (place de l’église à Bonchamp) et dans toutes les bonnes librairies lavalloises.

Billet écrit par

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